La muraille de Chine, visible à partir de la lune ?

muraille de chine
Parfois on peut lire que la Grande Muraille serait le seul bâtiment sur terre visible par les astronautes depuis la Lune (distance approximative 380 000 km). C’est une légende !

a)  Pourquoi ? En utilisant la valeur connue pour la résolution spatiale (étendue angulaire minimale encore visible) de 0.5 à 1 minute d’arc pour l’œil humain, donnez l’argument vous même.
b)  Justifiez la comparaison suivante : Si on pouvait voir la Grande Muraille de la Lune, alors on verrait aussi un doigt (index) de 800 km de distance.
c)  Trouvez vous-même une comparaison illustrative qui montre que l’affirmation en question est absurde.
d) Question supplémentaire : Montrez par une comparaison pourquoi la grande longueur de la Grande Muraille n’augmente pas sa visibilité.

Solution

Variante de solution I (géométriquement, par le théorème Thalès):

a) L’acuité (visuelle) humaine (la plus petite séparation angulaire encore visible) est environ 0.5 à 1 minute d’arc; c’est la taille angulaire d’une pièce de 2€ (∅ = 26 mm) vue d’une distance de quelques 170 m. La largeur de la Grande Muraille est moins de inférieure à 10 m, cf. image (plus exactement entre 4.6 m et 9.1 m à la base). La distance Terre-Lune est environ 380000 km. Pour qu’un objet soit visible de cette distance, sa taille (x) devrait être en relation à celle de la pièce 2€ :
(t de Thalès),
c’est-à-dire 58 km environ. Avec cela, la largeur de la muraille est trop petite d’un facteur 5000 !

Variante de solution II (algébriquement, par trigonométrie/calcul du radian)

Soit b la largeur du mur, d la distance (approximative) Terre-Lune. La taille angulaire de la Grande Muraille vue à partir de la Lune est

(dans la 1ère approximation, c’est l’approximation pour la tangente de petits angles qui a été utilisée, dans la 2ème les données ont été approximées, dans la 3ème résultat a été arrondi). L’acuité (en radian) est α Min=1.5·10−4. On obtient donc le même résultat que par la variante de solution I: Il manquait presque 4 ordres de grandeur, pour que les astronautes eussent pu voir la Grande Muraille à partir de la Lune.
b) On doit comparer le rapport largeur : distance = b/d pour les deux cas (c’est aussi la taille angulaire en radian): Grande Muraille de Chine: v. plus haut; doigt (index): b/d ≈ 2 cm/800 km = 2·10−2/8·102+3 = 2.5·10−8; cure-dents à une distance de 40 km: b/d ≈ 1 mm/400 km = 1·10−3/4·101+3 = 2.5·10−8
Ces valeurs coïncident pour l’ordre de grandeur.
c) La grande longueur du mur ne change rien. Pour voir p. ex. un cheveu d’une distance de 200 m, il ne sert à rien qu’il soit par exemple long de 20 cm.
Commentaires
a)    Sous certaines conditions la résolution visuelle peut être près de 2 » (hyper-acuité, expliquée par le traitement neuronal), par exemple:
–    pour certaines propriétés de l’image, p. ex. le déplacement des lignes («Vernier acuity », [1]) ;
–    par une augmentation des micro-mouvements des l’œil (« micro-saccades ») chez les astronautes [2]. Cela ne change rien à l’invisibilité du mur à partir de la Lune; un facteur de 15 (= 30 »/2 ») d’amélioration de la résolution bien sûr ne peut pas compenser le facteur 5000 qui manque.
Du point de vue didactique, quelques caractéristiques de l’exercice peuvent être mentionnées :

b) L’exercice se prête pour à une forme plus ouverte et plus proche de la démarche d’investigation (« IBL, inquiry based learning »), par exemple :
–    En demandent une recherche de la part des élèves pour les des données nécessaires (« recherchez les valeurs nécessaires vous-mêmes »). Cela implique, en particulier, de comprendre, quelles sont ces données (acuité, b, d).
–    En faisant de l’hyper-acuité une question supplémentaire. C’est une exemple-type des affirmations un peu sensationnelles et qui pourtant ne résistent pas à une considération critique et quantitative (type « Fermi »)
De telles modifications et enrichissements se font en fonction des décisions didactiques et de la créativité de l’enseignant.

c)    Une activation cognitive supplémentaire est la partie demandant une comparaison illustrative pour l’affirmation en question (fausse) de la part des élèves, demandant aussi de la créativité. Au delà de faire repenser l’affaire, le côté « fantaisie » ou ludique peut être un facteur de motivation.

Prof. A. Mueller

Sources

  • Image: Chinesische Mauer: http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/db/Greatwall_large.jpg
  • [1] HANDBOOK OF OPTICS Vol. III: Vision and Vision Optics Bass, M. Jay M. Enoch, Vasudevan Lakshminarayanan (McGraw-Hill 7 Optical Society of America)
  • [2] I. Klebe, J. Klebe, Durch die Augen in den Sinn, Aulis Verlag Deubner, Köln, 1984, p23.
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