Notre génome est-il « pur » ?
Le projet LightOfEvolution.org offre l’opportunité d’explorer comment le génome humain s’inscrit dans l’ensemble des génomes avec plus de similitudes que de différences. Voir de nouvelles offres ici
On aurait pu reprendre le scénario proposé à l’époque ici mais il faudrait l’adapter aux nouveaux sites ( mapviewer est devenu GDV) et , pourquoi pas l’introduire dans le site Bioinformatique : opportunités pour l’enseignement (wikimedia open)
Maintenant LightOfEvolution.org propose des activités très belles et complètes pour vérifier ces transferts horizontaux. Elles sont très accessibles aux élèves
Notre génome est assailli d’ADN étrangers et en a intégré plus que nos propres gènes !
On sait que les virus insèrent de l’ADN dans nos chromosomes : le virus de l’herpès insère durablement dans notre génome son ADN. Mais seulement les cellules de certaines régions : notamment les lèvres. Nous allons voir que ces apports d’ADN étranger ne sont pas rares. Par oppositions à la transmission héréditaire classique – mendélienne- appelée verticale, on parle de transfert horizontal pour ces apports génétiques d’organismes autres que les parents. Source : Jump-to-science 1 mai 2011
Transfert horizontal : une difficulté technique pour établir une phylogénie à partir d’un séquençage.
Il est intéressant de souligner que l’étude de ces transferts horizontaux n’est pas simple : au moment du séquençage des génomes des eucaryotes, les séquences d’origine bactériennes sont souvent considérées comme des contaminations et éliminées d’office ! Il est vraisemblable qu’elles sont très largement sous-estimées. Ponting, C. P. (2001)
Origine endosymbiotique des mitochondries et des chloroplastes Marie-Claude Blatter explique qu’en construisant un arbre phylogénétique en partant d’une protéine ‘universelle’ impliquée dans la synthèse des protéines (exemple: un facteur d’élongation appelé EFTU ou EF1A selon les espèces), on voit apparaître la séparation entre les eucaryotes, les archae et les bactéries (Arbre phylogénétique) On remarque aussi et surtout que cette protéine, lorsqu’elle est d’origine chloroplastique ou mitochondriale, se retrouve dans l »embranchement’ des protéines bactériennes : sa séquence en acides aminés est plus similaire à celle des protéines bactériennes qu’à celle des protéines eucaryotiques.
Sur les transferts horizontaux, voir aussi cet excellent Review Dunning Hotoppa, Julie C. (2011) encourage le lecteur à aller vérifier dans l’article d’origine : ici
Fig 5 : Les transferts horizontaux dans notre évolution ont été fréquents . [img] Source Dunning Hotoppa, Julie C. (2011)
Quelle « Barrière » des espèces ?
On voit donc que la pureté du transfert vertical ne peut pas expliquer l’homogénéité de notre espèce et sa constance dans le temps. D’ailleurs, cette idée de pureté de la transmission et du rejet de ce qui serait étranger à des relents sombres qui font un peu froid dans le dos. Puisque de nombreux transferts horizontaux fréquents sont intervenus dans notre ADN, qu’ils sont même 6 à 8 fois plus abondants que nos gènes, il faut bien chercher une autre explication à l’observation que notre espèce – comme les autres – reste homogène (Tous différents, mais tous semblables…).
La sélection naturelle détermine la nature humaine ?
Cependant, si les transferts horizontaux se produisent abondamment, ils ne sont pas tous positifs, loin de là; Ils sont une parmi d’autres causes de mutations.
Et ces mutations causent effectivement des génomes non fonctionnels. Ils se produisent, mais ne sont pas tous viables et féconds. Une faible proportion. Il semble que ce soit moins de 25% des fécondations humaines se développe suffisamment pour être même détectée comme une « grossesse » (on ne parle pas ici de 75% de fausse couche, mais de retard dans les règles de quelques jours) – pour toutes sortes de raisons, mais entre autres parce que le génome produit n’était pas viable . N’oublions pas que les seuls génomes visibles sont ceux qui sont fonctionnels et que les rares génomes qui nous apparaissent comme anormaux sont en fait la pointe d’un iceberg de nombreux autres n’étaient pas suffisamment fonctionnels pour naître. De fait la sélection naturelle constitue une sorte de barrière : les apports d’ADN horizontaux sont féconds ou s’éteignent. C’est sans doute ce mécanisme qui est à l’œuvre depuis la nuit des temps et garantit que les girafes restent des girafes et les humains des humains malgré toutes les perturbations de notre ADN – dont les transferts horizontaux.
Pourquoi avoir si peur des ADN « étrangers « ?
Pourquoi on semble avoir si peur des apports d’ADN étranger alors qu’ils nous constituent à 8% est une question intéressante. Hervé Le Guyader y voit – et JTS le propose pour stimuler la réflexion – la manifestation d’une époque marquée par la peur du changement : « Les premiers mouvements de protection de la nature ont consisté à vouloir réaliser un statu quo. On cloisonne, on « protège », par une mise sous cloche d’une zone particulière, la plupart du temps caractérisée par une espèce emblématique. […] Un tel mouvement traduit une vision fixiste de la nature. Au-delà de l’échec annoncé, c’est le signe d’une peur du futur avec une volonté désespérée de s’accrocher au passé. […] En d’autres termes, une telle « protection » de la nature est assimilable à un point de vue créationniste, inconscient – ou parfois conscient… » Le Guyader, H. (2008). encourage le lecteur à aller vérifier dans l’article d’origine : ici
L’homme responsable de sa propre humanité !
Si la sélection naturelle peut et a autrefois assuré l’homogénéité de notre génome, il serait dangereux d’en déduire que ce qui a présidé à notre évolution dans le passé devrait gérer la diversité d’une humanité dont l’évolution est probablement plus culturelle que génétique. Sinon l’eugénisme n’est pas loin !
La médecine permet un choix responsable qui dépasse la sélection naturelle : l’humanité s’extrait de sa condition « naturelle » mais doit assumer son destin. Comme Prométhée, qui donne à l’homme le feu et doit en porter les conséquences : la connaissance nous donne une responsabilité qui peut être lourde, mais qu’on ne peut pas écarter
MarieClaude Blatter annonce la mise en ligne sur le site LightOfEvolution.org d’une nouvelle histoire consacrée au transfert horizontal de gènes (Des gènes en bonus).
Les gènes qui sont transférés d’une espèce apportent de nouvelles fonctions ou de nouvelles caractéristiques à l’espèce qui reçoit ces gènes en bonus. Des gènes de virus, par exemple, ont façonné l’évolution des mammifères – environ 8 % du génome humain est d’origine virale. Certains insectes ont ‘volé’ un gène à leur plante préférée pour déjouer les mécanismes de défense de la plante. Les bactéries s’échangent des gènes de résistance aux antibiotiques et parfois aussi des gènes permettant de digérer les sushis…Le transfert horizontal de gènes pourrait également avoir joué un rôle clé dans l’origine de la reproduction sexuée !
Ces nouvelles histoires d’évolution et des activités en lien sont à découvrir sur :
https://lightofevolution.org/des-genes-en-bonus/
- Avons-nous hérité du sexe des archées ?
https://lightofevolution.org/des-genes-en-bonus-a-vous-de-jouer/
- Les Japonais et les sushis, une histoire de bactérie
- Les virus et les mammifères, une histoire de fusion
- Les plantes et les insectes, une histoire de riposte
Si vous ne souhaitez plus recevoir d’information concernant les nouvelles histoires/activités LightOfEvolution.org, merci de m’en informer.
Si vous souhaitez que nous venions animer un atelier dans votre classe ou avoir plus d’information, n’hésitez pas à me contacter par mail ou à utiliser la page contact du site : https://lightofevolution.org/contact/#contact
Marie-Claude Blatter, pour l’équipe Light Of Evolution.
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A propos du site LightOfEvolution.org
Le site web LightOfEvolution.org a été créé en décembre 2021. Il donne accès à des histoires d’évolution, à des activités à faire en ligne et/ou en classe, à des données à analyser manuellement ou à l’aide d’outils bioinformatiques, et à des liens vers les publications scientifiques. Il est accessible en français, anglais et, tout récemment, également en allemand.
Les autres histoires :
- Chasse aux variants (https://lightofevolution.org/chasse-aux-variants/ & https://lightofevolution.org/chasse-aux-variants-a-vous-de-jouer/): une histoire et des activités pour mieux comprendre l’évolution de SARS-CoV-2, les données à la disposition des chercheurs, les analyses effectuées pour suivre la pandémie (via les eaux usées par exemple) et l’impact des variants sur la biologie du virus.
- Banana split (https://lightofevolution.org/banana-split/ & https://lightofevolution.org/banana-split-a-vous-de-jouer/ & OhMyGenes.org) : nous partageons 98 % de nos gènes avec le chimpanzé et 25 % de nos gènes avec la banane. Comment faire ces calculs ? Quelles fonctions biologiques sont conservées entre ces différentes espèces ? OhMyGenes.org permet de calculer ces fameux pourcentages (il est possible de comparer 17 espèces), de créer des mèmes sympathiques et d’avoir accès aux données scientifiques (nombre de gènes, nombre de gènes en commun, date de divergence des espèces en question).
- Dinopoulet (https://lightofevolution.org/dinopoulet/ & https://lightofevolution.org/dinopoulet-a-vous-de-jouer/): quelles sont les preuves génétiques du lien entre les dinosaures et les oiseaux ? Quelles démarches ont été faites ? Quelles données ont été analysées ?
- Les Mystères des Grecs anciens (https://lightofevolution.org/les-mysteres-des-anciens-grecs/ & https://lightofevolution.org/mysteres-ancients-grecs-a-vous-de-jouer/): en utilisant des données génétiques de plusieurs individus ayant vécu à âge du bronze, entre 3000 et 2000 av. J.-C., des scientifiques ont pu déterminer leur origine, dresser leur ‘portrait-robot génétique’ et savoir si ils étaient tolérants au lactose !
- Cancer (r) évolution : (https://lightofevolution.org/cancerevolution/ & https://lightofevolution.org/cancerevolution-a-vous-de-jouer/): étudier le cancer en adoptant une vision évolutive permet en effet d’apporter un nouvel éclairage sur la complexité des différents processus en jeu au sein d’une tumeur. Hétérogénéité génétique, compétition pour les nutriments, résistance aux traitements… Evolution linéaire, évolution ramifiée, évolution neutre ou évolution ponctuelle… Mieux comprendre ces processus permet d’avoir un impact sur le traitement !
Références:
- Dunning Hotoppa, Julie C. (2011) Horizontal gene transfer between bacteria and animals Trends in Genetics Volume 27, Issue 4, April 2011, Pages 157-163 doi:10.1016/j.tig.2011.01.005
- Le Guyader, H. (2008). La biodiversité: un concept flou ou une réalité scientifique? Le Courrier de líenvironnement de líINRA, 7-26. texte complet.pdf
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Ponting, C. P. (2001). Plagiarized bacterial genes in the human book of life. Trends in Genetics: TIG, 17(5), 235-237.