Dans le cadre de la semaine de conférence TeV Particle Astrophysics 2016 tenue au CERN du 12 au 16 septembre, les Prof. Bruce Allen et Prof. Kip Thornel, éminents astrophysiciens, tiendront deux conférences sur les dernières avancées dans le domaine en pleine effervescence de la physique des astroparticules.
Conférences en anglais.
Aucune pré-réservation requise, entrées gratuites.
Mercredi 14 septembre à 19h
« Seeing two black holes merge (with gravitational waves!) » (« Observer la fusion de deux trous noirs (avec des ondes gravitationnelles !) »)
par le Professeur Bruce Allen, Institut Albert Einstein d’Hannovre
Uni Dufour – Auditorium U300
La première observation directe d’ondes gravitationnelles issues de la fusion et de la coalescence de deux trous noirs.
Le 14 septembre 2015, les instruments de pointe d’ondes gravitationnelles Ligo ont détecté le signal d’onde gravitationnelle émis alors que deux trous noirs, distants d’environ un milliard d’années-lumière de la Terre, orbitaient autour d’eux-mêmes une dernière fois puis fusionnèrent. Ce fut une nouvelle d’ampleur mondiale car les scientifiques essayaient d’observer un tel phénomène depuis plus d’un demi-siècle. Avant leur fusion, les deux trous noirs étaient respectivement 29 et 36 fois plus gros que le Soleil ; une fois la fusion complétée, il en résulta un seul trou noir d’environ 62 fois la masse du Soleil.
Le Professeur Allen expliquera ce que sont les trous noirs, comment ceux-ci (et d’autres masses accélérées) produisent des ondes gravitationnelles, et comment celles-ci sont détectées. Il dévoilera également les coulisses de cette découverte, et pourquoi les scientifiques sont convaincus que ce signal, nommé GW150914, est une réalité. Pour les amateurs de physique, Bruce Allen détaillera comment les propriétés principales des trous noirs peuvent être directement déduites des données d’observation, et pourquoi aucune autre explication n’est possible.
Vendredi 16 septembre à 18h
« Probing the warped side of our Universe with gravitational waves and computer simulations » (« Sonder le côté déformé de notre Univers grâce aux ondes gravitationnelles et aux simulations par ordinateur »)
par le Professeur Kip Thorne, lauréat du Prix Tomalla de la Gravité 2016
Uni Dufour – Auditorium U300
Il y a de cela un demi-siècle, John Wheeler mit ses étudiants et collègues au défi d’explorer la géométrodynamique : la dynamique non linéaire de l’espace-temps courbé. Comment la courbure de l’espace-temps se comporte lorsqu’elle est prise dans une tempête, telle une tempête de mer avec des vagues déferlantes. Nous avons essayé d’explorer ce phénomène et nous avons échoué. La réponse nous échappait, jusqu’à ce que deux outils furent à notre portée : les simulations par ordinateur et l’observation d’ondes gravitationnelles. Kip Thorne expliquera ce que ces outils commencent à nous apprendre, et présentera sa vision du futur de la géométrodynamique.
Le sujet intéresse de plus en plus les jeunes – probables témoins et/ou acteurs de nouvelles et surprenantes découvertes – et permet de passionner ou simplement de rapprocher ce type de public à la physique et à la recherche fondamentale. C’est pourquoi, de plus que les conférences grand public, un projet pédagogique SwissMAP met à disposition un cours d’introduction à la cosmologie moderne, complet d’activités, au niveau des élèves du secondaire II.[1]
Les ondes gravitationnelles permettront d’ouvrir une autre fenêtre – très particulière – sur notre univers. Car, contrairement aux ondes électromagnétiques, elles n’interagissent pratiquement pas avec la matière interstellaire. Cela nous permettra d’une part d’atteindre des sources à des distances beaucoup plus grandes que par les ondes électromagnétiques, d’autre part d’accéder directement à la physique relativiste de l’horizon des trous noirs, des objets jusqu’ici observés uniquement de manière indirecte par le biais électromagnétique des rayons X.
Depuis septembre 2015, LIGO ne cesse d’être amélioré: dans l’année 2016 on a pu observer un volume trois fois plus grand qu’en 2015. Nous observons qu’un gain d’un facteur dix dans la sensibilité correspond à une “vision” dix fois plus loin dans l’espace, donc un volume et une augmentation de la fréquence de détection de tels événements mille fois plus grands.
Par la suite, un vrai réseau d’interféromètres sera opérationnel, incluant VIRGO, GEO et TAMA. L’avantage d’avoir des coïncidences de plus que deux interféromètres n’est pas uniquement d’améliorer la sensibilité de la détection, mais aussi celui de pouvoir déterminer la direction d’un événement, ce qui n’a pas été possible pour GW150914.
À cela s’ajoute le projet du lancement d’un interféromètre spatial : LISA, proposé actuellement pour la fin des années 2030, qui sera en orbite héliocentrique, et donc affranchi des bruits sismiques: ce détecteur est conçu pour détecter des ondes gravitationnelles entre 10−4Hz et 1Hz, fourchette qui recouvre les fréquences émises par de trous noirs de l’ordre de 106 masses solaires, comme les trous noirs supermassifs tapis dans le noyaux des galaxies.
La théorie la plus fondamentale qui nous permet de modéliser l’Univers est la Relativité Générale. Toutefois, pour la plupart de phénomènes observés jusqu’à très récemment, la mécanique classique de Newton est suffisante, quitte à accepter de petites corrections, dans certains cas ou` la Relativité serait plus précise (comme par exemple pour l’effet de lentille gravitationnelle) : ce cours en est la preuve. Toutefois, la mécanique newtonienne n’est plus du tout valable pour la description de systèmes hautement relativistes, comme les trous noirs ou les premiers instants du Big Bang, lorsque le paramètre du système Rs/R = 2GM/c2R ∼ 1 : pour ces systèmes la Relativité Générale n’est pas simplement une correction à la théorie de Newton, mais la seule théorie valable.
La détection GW150914 a été la première observation expérimentale où nous avons pu tester la Relativité Générale à fond, et où nous avons pu observer sa précision dans la modélisation du phénomène. Il est important d’observer que nous ne pouvons pas exclure la possibilité que les modèles issus de la Relativité Générale ne correspondent pas aux observations, ce qui signifierait que même la théorie d’Einstein n’est plus suffisante, et pourrait nous donner des indices pour la construction d’une nouvelle théorie, encore plus générale. Dans ce sens, GW150914 a été une confirmation spectaculaire de la Relativité Générale, et l’étude d’autres événements de ce type, en plus de tester cette théorie, nous permet de poser des contraintes sur le modèles théoriques qui en vont au delà, comme les théories de cordes ou de gravité quantifiée.
En plus de la détection de coalescences de trous noirs, celles d’étoiles à neutrons ont une importance particulière pour la physique moderne, en particulier pour le physique des particules, d’autant plus que, contrairement aux collisions de trous noirs, celles où au moins un des corps est une étoile à neutrons serait accompagnée par une émission de rayons gamma, donc facilement identifiable.
Dans tous les cas, la détection d’ondes gravitationnelles émises par de corps compacts pourra nous donner des contraintes observationnelles concernant l’existence d’étoiles de particules subatomiques, et les équations d’état d’un plasma de quarks.
La détection d’ondes gravitationnelles provenant de coalescences d’étoiles de neutrons à de distances cosmologiques pourra compléter et améliorer l’étude de l’accélération de l’Univers, donc du rôle de l’énergie noire, à condition d’en connaître la direction[3]. En effet, a` partir du rayonnement lumineux reçu, nous pourrons déterminer le redshift de la source. D’autre part, l’amplitude de l’onde gravitationnelle détectée nous donnera accès au flux d’énergie reçu, donc à sa distance lumineuse.
Une détection du fond diffus cosmologique d’ondes gravitationnelles nous permettrait d’établir un portrait de l’Univers à l’âge du découplage gravitationnel : 10−43s après le Big Bang.
Ressources
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sur le site de l’AJP une collection de matériel didactique:
- Une vidéo de Scientific American:
- Et pour les only francophones, une interview avec Luminet: