Nobel physiologie et médecine : au départ une découverte qu’on n’attendait pas …
le prix nobel de physiologie et médecine (équivalent de la biologie actuelle, car Nobel destinait ses prix à de la scienc appliquée) a été attribué à Victor Ambros and Gary Ruvkun « for discovery of microRNAs in worms »
Parmi les recherches qui ont conduit au prix Nobel, plusieurs ont noté les recherches sur les pétunias. Quelques articles pour illustrer comme de la surprise dans une recherche qui n’a pas du faire les gros titres à l’époque on arrive à modifier le modèle classique de régulation au niveau de l’ADN-> ARNm pour ajouter une couche de régulation avec des ARNi agissant sur les ARNm
La surprise…
« To evaluate the effect of increased expression of genes involved in flower pigmentation, additional dihydroflavonol4-reductase (DFR) or chalcone synthase (CHS) genes were transferred to petunia. In most transformants, the increased expression had no measurable effect on floral pigmentation. Surprisingly, however, in up to 25% of the transformants,a reduced floral pigmentation,accompanied by a dramatic reduction of DFR or CHS gene expression, respectively, was observed. » Abstract de van der Krol & al. (1990). encourage le lecteur à aller vérifier dans l’article d’origine : ici
Cet exemple montre combien la curiosité est un des moteurs de la science :
« Sa grande qualité était l’aptitude à goûter l’étrangeté qui marque l’esprit des véritables chercheurs.
MORRIS, Desmond, 1980, La fête Zoologique, Calmann-LévyVoir aussi JTS Le cheminement d’une découverte… le flair et le hasard ?
Un début d’explication et la présence de ce mécanisme chez des versCaenorhabditis elegans… un débat à travers les publications
« The possibility that double-stranded RNA (dsRNA) might be a mediator of both RNA interference in nematodes and sense cosuppression in plants was discussed in a recent article… » Jorgensen & al. (1999) encourage le lecteur à aller vérifier dans l’article d’origine : ici
L’article débat des similitudes de ces mécanismes encore en train d’être définis à cette époque
Réponse de Fire et al. montrant bien ce débat : « Jorgensen and colleagues raise a number of interesting points that should generate lively discussion in the field and in the lab. »
Un début de synthèse
Buguliskis (2016) ici discute le chemin parcouru « Who would have thought the petunia could have so much impact on modern science? »
« Le généticien moléculaire Richard Jorgensen travaillait pour une petite entreprise de biotechnologie appelée Advanced Genetic Sciences, qui devint plus tard DNA Plant Technology Corp. Dans ce que le Dr. Jorgensen et ses collègues espéraient être une démonstration frappante de leur maîtrise de la génétique des plantes, les chercheurs ont tenté de créer un pétunia d’un violet extrêmement foncé, afin d’attirer l’attention et le soutien financier de certains groupes de capital-risque.[…] Cependant, à la grande surprise et consternation des chercheurs,l’ajout d’un exemplaire supplémentaire du gène violet n’a pas fait produire des fleurs violet foncé, mais plutôt des fleurs blanches, dépourvues de pigment. encourage le lecteur à aller vérifier dans l’article d’origine : Jorgensen, & al. (1999) ici).
Après que le Dr. Jorgensen et ses collègues eurent vérifié que le gène qu’ils avaient inséré dans les pétunias était correct, ces scientifiques—ainsi qu’une multitude de biologistes moléculaires—passèrent les années suivantes à essayer de comprendre ce qui s’était mal passé. Durant cette période, ils n’avaient pas conscience que leurs travaux allaient se révéler si important. Non seulement toutes ces recherches ont conduit au prix Nobel de Andrew Fire, et Craig Mello, mais il a aussi conduit à une découverte qui allait déclencher une révolution moléculaire. » encourage le lecteur à aller vérifier dans l’article d’origine :ici
Fig 1: A gauche petunia de type sauvage; à droite les gènes supplémentaires induisent la suppression de l’expression du transgène et du gène endogène, ce qui donne lieu aux zones blanches non pigmentées de la fleur. [img]. Source : Wikipedia
Et ces MicroARN ?
La synthèse de Catherine Offord (2024) ici » Les microARN sont constitués des mêmes bases nucléotidiques que les ARN messagers (ARNm), qui transportent les instructions de fabrication des protéines encodées par l’ADN et qui ont été reconnus par un prix Nobel l’année dernière pour avoir permis la mise au point des premiers vaccins contre la COVID-19. Cependant, les microARN sont beaucoup plus courts, généralement entre 20 et 25 nucléotides, et jouent un rôle différent dans la cellule : en se liant à certains ARNm transcrits à partir de gènes, ils influencent la traduction ou non de ces ARNm en protéines. La découverte de cette classe de molécules a lancé un nouveau domaine de recherche sur les rôles des microARN dans le développement des organismes et, plus récemment, dans des maladies telles que le cancer, où les microARN sont souvent dysrégulés. » […]
« Lors d’une conversation avec un représentant du prix Nobel ce matin, Ruvkun a souligné que le travail avait été motivé par la curiosité. « À ce moment-là… nous ne pensions pas, « Cela va gagner un prix Nobel », nous pensions, « C’est vraiment intéressant », a-t-il déclaré, ajoutant que le domaine avait été « un plaisir incroyable auquel participer. » […]
« Le prix de cette année marque au moins la cinquième fois que des recherches sur l’ARN décrochent un prix Nobel. En plus des prix de cette année et de l’année dernière, les chercheurs qui ont découvert l‘interférence par ARN , un processus par lequel des brins d’ARN réduisent au silence des gènes particuliers, ont remporté le prix en 2006, et des recherches sur le rôle de l’ARN en tant qu’enzymes ont été reconnues en 1989 ont été reconnues en 1989. La découverte de l’ARNm lui-même a reçu le prix Nobel de physiologie ou médecine en 1965. . » traduction de Offord (2024) encourage le lecteur à aller vérifier dans l’article d’origine : ici
Comment fonctionne l’ARN interférant ( RNAi)?
Nature a produit une vidéo remarquable (ici) illustrant ce mécanisme :
Stimuler la curiosité de élèves ?
Un enseignant que je connais donnait dans les évaluations un bonus aux élèves qui posaient une belle question pertinente dans le chapitre en cours et qui n’avait pas été traitée en classe. La réponse valait un supplément. La direction a d’abord jugé que c’était « trop facile » car les élèves se doutant de ce bonus pourraient s’y être préparé. L’argument qu’on reproche souvent aux élèves de « recracher ce qu’on leur a dit », et que stimuler la curiosité des élèves était un objectif important de l’école, a permis que cela soit toléré :-))
Seulement 20-25 bases pour désactiver ce gène et pas un autre ? Vérifions avec les élèves !
L’accès libre aux données que la recherche produit ( c’est exigé pour publier 🙂 ouvre des opportunités de développer l’esprit critique en sciences : est-on bien sûr de cette étonnante brièveté – une séquence d’ARN complémentaire de 20 bases identifierait un seul ARNm pour l’inactiver – et pas un autre ? Allons vérifier avec les élèves !
On peut adapter le scénario 10 du Projet La biologie numérique : quelles opportunités pour mieux enseigner ?
Chacun pourra vérifier qu’avec des tailles plus courtes qu’environ 20 la séquence nucléotidique « pêche n’importe quoi » et que 20-25 est la limite ( pour CRISPR aussi, pour la PCR aussi, pour les micro-array aussi …)
Références:
- Buguliskis, J. S. (2016). Plucking RNAi from the Gene-Silencing Nettle. GEN – Genetic Engineering and Biotechnology News. https://www.genengnews.com/insights/plucking-rnai-from-the-gene-silencing-nettle/
- Jorgensen, R. A. (1995). Cosuppression, Flower Color Patterns, and Metastable Gene Expression States. Science, 268(5211), 686‑691. https://doi.org/10.1126/science.268.5211.686
- Jorgensen, R. A., Que, Q., & Stam, M. (1999). Do unintended antisense transcripts contribute to sense cosuppression in plants? Trends in Genetics, 15(1), 11‑12. https://doi.org/10.1016/S0168-9525(98)01651-5
- Morris, D. (1980). La Fête zoologique (M.-C. Aubert-Jannink, Trad.). Calmann-Lévy.
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Offord, C. (2024). ‘Out of the blue’ discovery of RNAs that regulate genes wins Nobel. science. https://doi.org/10.1126/science.zyal6m9
- van der Krol, A. R., Mur, L. A., Beld, M., Mol, J. N., & Stuitje, A. R. (1990). Flavonoid genes in petunia : Addition of a limited number of gene copies may lead to a suppression of gene expression. The Plant Cell, 2(4), 291‑299. https://doi.org/10.1105/tpc.2.4.291