Flottaison vs viscosité : Archimède renversé ?

Archimède : Une recherche bouscule les limites de ce modèle classiquement enseigné…

La « loi » d’Archimède détermine l’intensité de la force qui permet la flottaison… Or une recherche récente la présente dans les news de Science (Gent, E. 2020) comme remis en question. Les enseignants savent bien que c’est un modèle, qui a son domaine validité, et ses limites. D’un autre côté, le contexte scolaire exige une clarté sur les attentes aux examens. Cette publication Jump-To-Science présente la version vulgarisée, en repère quelques transpositions et renvoie vers toute la richesse de l’article d’origine (Apffel, et al., 2020). Elle discute finalement comment gérer cette tension entre a) les besoins des élèves que rassurent les vérités simples d’un modèle classiquement enseigné et b) la nature hypothétique et la portés de ces modèles quand une recherche récente en révèle les limites.

En effet dans le modèle d’Archimède les forces de viscosité sont négligées, et avec des objets de la taille d’un savant de l’antiquité  elles sont sans doute négligeables.

Les Gerris révèlent un équilibre entre les forces de              viscosité et de gravitation [
Fig. 1 : Les Gerris  révèlent un équilibre entre les forces de viscosité et de gravitation [img]. Image :
Lombard, F.

Par contre ces forces ne sont pas négligeables pour le Gerris lacustris (parfois appelé punaise d’eau ou improprement araignée d’eau) : ses pattes hydrophobes s’appuient, grâce à la tension de surface, sur une dépression de l’eau qui produit la force nécessaire à les tenir au-dessus de la surface de l’eau.  Voir vidéo.


il faut prendre en compte la viscosité et la                    tension de surface pour expliquer le rebond de la                    goutte
Fig. 2 : il faut prendre en compte la viscosité et la tension de surface pour expliquer le rebond de la goutte. Image : Lombard, F.
Sans prendre en compte la viscosité on ne peut guère expliquer les magnifiques formes des gouttes qui rejaillissent de l’eau. La loi d’Archimède ne serait-elle pas une loi absolue  ?

L’eau qui s’égoutte : la gravitation et la viscosité, la tension de surface ?

Les gouttes qui se forment les jours de pluie sous un rebord ou sous un robinet restent d’abord attachées à la surface mouillée par des forces liées à la viscosité et la tension de surface, retenant en quelque sorte l’eau, puis la gravitation l’emporte et la goutte tombe. Cf. fig. 3 et  vidéo


Fig. 3 : Les gouttes manifestent un équilibre entre les forces de viscosité, tension de surface et de gravitation. Image et video : Lombard, F.

Ce phénomène est bien connu. Cependant une publication récente (Apffel, et al., 2020) montre que , dans certaines circonstances; si on agite la surface d’un liquide très visqueux, la goutte est réabsorbée avant d’avoir pu se détacher, et  Gent, E. (2020) explique que des objets paraissent flotter à l’envers sous la surface inférieure du liquide .
Fig 4: Cliquer pour animer. Agité énergiquement le liquide visqueux empêche les petits objets de tomber ou de remonter vers la surface supérieure [img]. Source : Gent, E. (2020) d’après Apffel et al., 2020

Des bateaux en lévitation semblent renverser la loi d’Archimède

Gent, E. (2020) dans une News de Science ici commente une étude où l’équipe d’Emmanuel Fort, à l’ESPCI  (Apffel, et al., 2020) ici a réussi à faire flotter de minuscules bateaux sur la face inférieure d’une couche de liquide (voir animation ci-dessus). Gent, E. (2020) évoque avec humour des possibilités nautiques inhabituelles, mais ces résultats sont troublants pour la compréhension naïve de la flottabilité. On observe ici que la vulgarisation met en évidence une conclusion accrocheuse.

Le modèle utilisé pour expliquer pourquoi les bateaux flottent est resté en grande partie inchangé depuis que le mathématicien grec antique Archimède a expliqué comment la force de gravité descendante est équilibrée par la pression ascendante de l’eau déplacée. ent, Gent, E. (2020) indique que les vibrations peuvent induire un comportement étrange qui semble défier la gravité. En ébranlant un modèle solaire bien établi, on voit de nouveau que la vulgarisation met en évidence un aspect accrocheur apparemment issu des conclusions de cette recherche.
En 1951, le physicien russe Piotr Kapitza, lauréat du prix Nobel, a décrit comment le fait de secouer rapidement un pendule inversé le stabilise plutôt que de le faire basculer vers sa position stable naturelle : Kapitza effect, which is the dynamical stabilization of an inverted pendulum by vertical shaking dit l’article d’origine.  Depuis lors, les scientifiques ont utilisé les vibrations pour faire léviter des liquides dans les airs et faire couler plutôt que de monter des bulles d’air (Cf. p. ex. Krieger, 2017). Cette nouvelle étude suggère qu’ils peuvent également inverser les règles de flottabilité. Traduction, d’après Gent, E. (2020). encourage le lecteur à aller vérifier dans l’article d’origine :  ici

Avant qu’une goutte se forme, la secousse (et la viscosité) fournit une force opposée qui la rappelle

Des expériences antérieures avaient montré que les fluides visqueux dans un conteneur vibrant peuvent être amenés à léviter. C’est parce que chaque fois qu’une partie du liquide essaie de s’égoutter, la secousse fournit une force opposée qui le retient. Cela empêche la surface inférieure du fluide de se briser et emprisonne un coussin d’air en dessous. Traduction d’après Gent, E. (2020). Mais Emmanuel Fort, dont le laboratoire se concentre sur l’optique et l’imagerie, n’était pas au courant de ces recherches antérieures. Avec ses collègues, ils se sont inspirés du pendule de Kapitsa  pour voir s’ils pouvaient reproduire un comportement similaire dans un liquide. Ils ont construit un récipient en plexiglas sur une machine à secouer et l’ont rempli de liquides visqueux tels que de l’huile de silicone ou du glycérol. Ensuite, ils ont utilisé une aiguille pour injecter une couche d’air au fond et ont vu que le liquide vibrant lévitait au-dessus.
Pour bien comprendre le dispositif expérimental il faut se référer à l’article d’origine : Apffel, et al. (2020), Jump-To-Science en a extrait la figure 6 ci-dessous.
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