Les paradoxes éthiques du séquençage…

Avant de séquencer un fragment d’ADN d’élèves, plusieurs questions éthiques ont du être tirées au clair, et le Prof A. Mauron de l’UniGe a bien voulu guider la réflexion et conseiller les procédures établies pour cet évènement Expériment@l.

Le cadre légal est défini par la Loi fédérale sur l’analyse génétique humaine

Les enjeux principaux sont entre le principe d’autonomie (chacun décide pour lui-même ce qui le concerne) qui parfois s’oppose au principe de bienfaisance (on doit tout faire pour le bien des autres). En effet informer sur les particularités génétiques c’est respecter l’autonomie mais – paradoxalement – c’est aussi risquer de faire du mal à cette personne selon ce qu’elle découvre. Ce paradoxe éthique détermine un nombre de mesures comme le devoir d’informer complètement la personne sur les conséquences possibles, et de vérifier qu’elle a bien compris on parle de consentement éclairé (bien différent des signatures arrachées par certains vendeurs).

Par exemple si une personne fait un test et se découvre une susceptibilité à une maladie grave contre laquelle on ne peut rien faire, elle doit porter une appréhension qui peut être très lourde a porter, d’autant plus s’il n’y a rien a faire.  Aurait -il mieux valu ne pas  savoir ? Cette question prométhéenne devient de plus fréquente alors que les tests génétiques sont de plus en plus fréquents dans le monde médical, et même commercialisés pour le grand public : Exemple.

Le risque d’une découverte inopinée…

Dans le contexte médical on doit clairement rendre attentifs les patients à ce risque (Société suisse de génétique médicale : consentement éclairé ici.pdf)   et en général on pèse les bénéfices attendus du test avec les risques de découvertes lourdes à porter. La question très délicate de savoir comment accompagner une personne qui se découvrirait ainsi un destin plus lourd a été envisagée, et nous avons contacté Dr. Siv Fokstuen sur la manière dont un tel soutien est prévu lors des tests génétiques au CMU. La discussion confirme qu’il faut éviter absolument ce risque de découverte inopinée car un tel soutien n’a de sens que dans le cas de tests médicaux. Nous laissons le lecteur imaginer ce qui risque  de se passer avec les tests génétiques commerciaux librement disponibles sur le marché.

Dans notre cas  particulier où le bénéfice attendu est pédagogique seulement, il a fallu trouver une séquence où ce risque d’une découverte inopinée était infinitésimal.
A l’image de la perception de ces risques l’école se trouve devoir adopter une attitude plus prudente qu’autrefois. Par exemple les caryotypes se font de moins en moins en classe à cause du risque de découvrir une anomalie chromosomique, et même les test de groupe sanguin sont présentés avec une mise ne garde sur les incertitudes des mesures faites au collège car on craint de découvrir des incompatibilités avec le père ou la mère. ( Prof A. Sanchez-Mazas dit qu’environ 10 à 15% des pères « officiels » ne le sont pas biologiquement) on doit donc être très prudent.

Les gènes Hox passionnants, mais trop risqués

Au départ Expériment@l souhaitait séquencer des gènes Hox d’élèves, en rapport avec une publication récente de l’équipe du Prof. Duboule. (Di-Poi, N., et al., 2010) sur l’implication des gènes Hox, de leur régulation et des transposons dans la longueur de la colonne vertébrale des serpents. L’effet de motivation aurait pu être très fort, mais les risques d’une découverte inopinée difficiles a mesurer. D’un côté les gènes Hox sont si fondamentaux qu’une mutation serait probablement létale, mais d’un autre coté, s’il s’en trouvait inopinément, il serait lourd de le découvrir.
Il y a cas au moins de mutation liée aux gènes Hox : Levinsohn, E. M., et al. (2004) lient à une mutation du  gène Hox10 une déformation du talon Congenital vertical talus.

Nous avons alors décidé de renoncer aux Gènes Hox, et de présenter les raisons de ce choix qui mettent en évidence les enjeux de ces séquençages dans le contexte éducatif,

HSV1 : une star prudente

Dans le cas particulier le souci d’éviter ces découvertes inopinées a conduit à choisir une séquence très étudiée et très « sûre » : un fragment non codant de l’ADN  mitochondrial HVS1 que E. Poloni du laboratoire AGP a confirmé ne pas être codante. Cf. article dans expériment@l . On peut voir  les séquences codantes et non codantes sur MapViewer ici HSV1 est aux positions 16060 à 16360.

De plus on a anonymisé les tubes contenant le frottis buccal et donc l’ADN : aucun nom n’a été associé aux tubes : on n’a pas seulement codé avec un numéro, il n’existe pas de liste permettant d’associer un tube et un nom. En plus les séquences sont mêlées à des autres séquences d’autres recherches et le site présentera la totalité des séquences sans distinguer celles qui proviennent de la classe des autres. Par ailleurs les échantillons biologiques seront éliminés après séquençage, pour rassurer qu’ils ne serviraient pas à d’autres analyses. Ils contiennent en effet tout l’ADN des donneurs.

Les élèves, tous majeurs  – après un cours sur les tests génétiques – ont été informés de ces enjeux, ont pu poser des questions et ont signé un consentement éclairé qui s’inspire de celui de la Société suisse de génétique médicale mais adapté au contexte éducatif  (consentement éclairé exemple.pdf)

Références

  • Di-Poi, N., Montoya-Burgos, J. I., Miller, H., Pourquie, O., Milinkovitch, M. C., & Duboule, D. (2010). Changes in Hox genes/’ structure and function during the evolution of the squamate body plan. [10.1038/nature08789]. Nature, 464(7285), 99-103.
  • Levinsohn, E. M., Shrimpton, A. E., Cady, R. B., Packard, D. S., & Hootnick, D. R. (2004). Congenital vertical talus in four generations of the same family. Skeletal Radiology, 33(11), 649-654. doi:10.1007/s00256-004-0851-1

Exemples d’articles qui suscitent les questions et motivent les élèves pour discuter de la question éthique

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